Hommage au journaliste Ando Ratovonirina

Jeudi, 12 Février 2009 10:10 Analyse
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Richard Ratsimandrava (1931 – 1975)

 

11 février 1975. Le Colonel Richard Ratsimandrava, à qui le général Gabriel Ramanantsoa a remis les pleins pouvoirs qu’il a reçu lui-même du président Philibert Tsiranana -qui a fait tirer sur les étudiants le 13 mai 1972- est assassiné. Ayant rang de Chef d’Etat et Chef de gouvernement, Le Colonel Ratsimandrava méritait une journée de recueillement.

 

 

7 février 2009. A la suite des tirs sauvages d’éléments para-militaires, sur tous ceux qui bougeaient devant le palais d’Ambohitsorohitra, le journaliste cameraman de la Rta (Radio Televiziona Analamanga) Ando Ratovonirina, 25 ans, meurt touché d’une balle en plein cou.

 

Toky, à droite

 

11 février 2009. Au moment où on allait enterrer notre confrère Ando, les membres du parti au pouvoir Tim ont organisé un rassemblement festif au stade municipal de Mahamasina. Faisant fi du devoir de mémoire historique et souillant la mémoire de ce jeune homme assassiné en service commandé. L’histoire jugera Yvan Randriasandratriniony l’heure venue. Car il a eu beau brailler comme un pauvre diable pour défendre Ravalomanana, une chose est sûre : ce dernier a les mains rouges de sang. Et pour çà, il n’a aucune excuse, aucune constitution ne pouvant le mettre à l’abri car la constitution n’a jamais été un permis de tuer ses compatriotes. Surtout pas pour défendre un palais vide. Au même moment, ce 11 février 2009, la jeune Toky, 18 ans, est enterrée par sa famille. Toky a été froidement assassinée de deux balles dans le dos, le 7 février 2009. Alain Joyandet et Amara Essy sont déjà à Madagascar. Nous verrons la suite et la durée du temps restant à ce régime parjure et « malgachicide » ainsi que sa capacité de nuisance lorsque ces émissaires quitteront le pays. Pour le moment, ce 11 février 2009, en tant que journaliste professionnel, j’ai tenu à accompagner ce jeune confrère à sa dernière demeure, à Mahitsy, ville distante de quelque 30 km de la Capitale. Je vous invite à m’y accompagner à travers ces photos.

En route pour Mahitsy, à quelque 30 km sur la route de Mahajanga. Une pluie diluvienne s’était abattu sur la région ce jour déjà assombri par le deuil. L’église Fjkm Miandrarivo Fifaliana se trouve à 3 km du centre de cette ville où travaillent une mission de médecins chinois renommés par et pour l’acupuncture. La piste était tellement exécrable que plus de la moitié des personnes qui ont tenu à accompagner Ando à sa dernière demeure ont fait les 2,600 km restant à pieds.

L’église Fjkm Miandrarivo Fifaliana se trouve à droite sur la photo. Encore loin… Il était donc évident que je suis arrivé parmi les retardataires et que l’église était déjà bondée. Mais une fois sur place, j’ai pu entendre l’homélie du jour axée sur Jérémie 29 : 11 : « Car moi, le Seigneur, je sais bien quels projets je forme pour vous ; et je vous l’affirme : ce ne sont pas des projets de malheur mais des projets de bonheur. Je veux vous donner un avenir à espérer » ;

Eglise Fjkm Miandrarivo Fifaliana, Mahitsy
Hommage à Ando par une de ses tantes.
« A la mémoire de mon neveu, mort pour sa Patrie sous les feux des projectiles
Ando, pourquoi faut-il que ce soit ton histoire qui m’a fait prendre conscience de la réalité de la vie de notre pays ? Tu fais partie de cette génération que nous appelons « génération sacrifiée » mais que tes parents ont essayé de tous leurs efforts de ne pas te noyer dans cette fatalité. Ils t’ont donné les meilleurs enseignements qui pouvaient exister à Madagascar. C’était leur priorité, le sens même de leur vie. Comme ce qu’ont essayé de faire les dirigeants de ce pays, selon qu’ils ont estimé de bien pour notre patrie. Après tes études, tous tes diplômes et après tant de combats, tu as pu trouver du travail et, enfin, récemment, tu es entré dans une société où tu as pu réellement exprimer tes aspirations.
Au moment où ton talent allait prendre son envol, on t’a coupé brutalement ton histoire. Tel notre pays au moment où tous les espoirs sont permis pour son peuple, au moment où l’on essaie de changer son histoire. Que ta mort ne soit pas vaine. Ta vie s’est arrêté là mais puisse le problème de notre pays trouver un dénouement et qu’il soit gouverner dans un esprit d’amour et de paix. L’humilité et le pardon peuvent nous y conduire, pour la gloire de Dieu Notre Seigneur. Et je prie pour ton frère jumeau afin que son histoire soit plus longue et plus belle. Amen ».


Comme tout journaliste d’investigation, j’ai pris le temps de visiter ce village de Miandrarivo et je vous ramène cette photo d’enfants vraiment insouciants, heureux dans leur pauvreté monétaire

Le Team SO6 dont faisait partie Ando. Au fond, à gauche, le pilote de rallye, Laza Randriamifidimanana

 

Le Team SO6 dont faisait partie Ando. Au fond, à gauche, le pilote de rallye, Laza Randriamifidimanana

Pas de poignées de mains à la famille, à cause du temps, mais une levée de main pour s’entre-saluer

Le retour a occasionné quelques sorties de route

Le confrère Salomon de la Gazette de la Grande Île et le driver qui a tenu à me raccompagner jusque chez moi.

Ando. Personnellement, voici mon ultime hommage que j’ai puisé dans l’Ecclésiaste : « J’ai observé encore toutes les injustices qui existent sur la terre. Les opprimés crient leur détresse e personne ne leur vient en aide. Le pouvoir est du côté des oppresseurs si bien que personne ne peut leur venir en aide. J’estime que ceux qui sont déjà morts sont plus heureux que les vivants ». (4 : 1). « Mais Dieu demandera des comptes pour toutes nos actions, mêmes cachées, qu’elles soient bonnes ou mauvaises » (12 : 14).
Ando, tu as été assassiné purement et simplement car une Convention signée à Genève stipule l’interdiction de tirer sur les gens de la presse, avec une caméra au poing qui plus est ; sur les ambulances et les brancardiers, sur ceux qui hissent un drapeau blanc. Mais tu n’es pas mort pour rien. Nous, journalistes malagasy, nous poursuivront le combat contre cette démocratie de carnaval qui a viré à la dictature de carnage. Restons vigilants car la répression sera féroce dès que les émissaires étrangers auront quitté le pays. Je l’affirme par expérience et vous lirez, très prochainement le dossier : « Démocratie de leurre ».

Jeannot Ramambazafy – Journaliste